Pierre MAC ORLAN

Écrits de guerre
L’Artois – Verdun – la Somme

 

Dits et chantés par Bernard ASCAL

EPM – SOCADISC – 987011

 

L’armistice du 11 novembre 1918 mis fin à la guerre de 1914-1918 sur le terrain mais, bien évidemment, pas dans les corps ni dans les consciences.

Le présent CD est composé de textes issus de l’ouvrage Les Poissons morts regroupant Les Poissons morts, La Fin, Devant la Meuse dans l’édition publiée en 2017 par Liénart / Département de la Seine-et-Marne, et du volume regroupant Propos d’infanterie, Verdun, U-713, Dans les tranchées dans l’édition des Œuvres complètes établie, en 1970, par Gibert Sigaux.

Le 14 septembre 1916, le soldat Pierre Mac Orlan, après avoir été sur le front de Lorraine en 1914, sur celui de l’Artois en 1915, sur celui de Verdun en 1916, est blessé sur le front de la Somme, à Mont-Saint-Quentin, non loin de sa ville natale, Péronne.

À plusieurs reprises, de 1916 à 1939, Mac Orlan va relater ses deux années de fantassin avec cet humour décapant et lucide dont il ne se départit jamais. Il a relaté son expérience de la guerre par deux types d’écrits : des notes prises sur le vif dans les tranchées et des réflexions rédigées quinze ans plus tard. Il porte un éclairage très personnel sur cette période puisqu’à la différence de Barbusse, de Dorgelès, de Genevoix… il consacre peu de pages à la relation des combats. C’est par le sort réservé aux animaux — compagnons dévoués du soldat ou redoutables nuisibles — qu’il aborde « l’enfer » des tranchées, par l’omniprésence de la boue, et par l’évocation de ces « pèlerinages » que ne peuvent s’empêcher d’effectuer, année après année, nombre d’anciens poilus et de veuves sur les lieux des affrontements.

Etonnamment, Pierre Mac Orlan a été absent de presque toutes les anthologies parues ces dernières années pour célébrer le centenaire de la Grande Guerre.

Programme et extraits musicaux

  1. Intro (0’ 15’’)
  2. Poissons morts (2’ 03’’)
    Pierre Mac Orlan – Extrait de Poissons morts
  3. De Cléry à Mont Saint-Eloi (1’ 10’’)
    Bernard Ascal
  4. Les balles, les schrapnells (2’ 42’’)
    Pierre Mac Orlan – Extrait de Poissons morts
  5. La Boue (2’ 54’’)
    Pierre Mac Orlan – Extrait de Dans les tranchées
  6. Chanson de la relève montante (3’ 47’’)
    Pierre Mac Orlan / Bernard Ascal
    Extrait de Poésies documentaires complètes
  7. Le 125, Carency (3’ 59 ‘’)
    Pierre Mac Orlan – Extrait de Poissons morts
  8. Spleen Samothrace (1’ 37’’)
    Bernard Ascal
  9. Chevaux, chiens et chats (7’ 20’’)
    Pierre Mac Orlan – Extrait de Verdun
  10. Mont Saint-Eloi - Cléry (1’ 15’’)
    Bernard Ascal
  11. Les corbeaux et les rats (3’ 15’’)
    Pierre Mac Orlan – Extrait de Verdun
  12. Les gendarmes assassinés (3’ 14’’)
    Pierre Mac Orlan – Extrait de Verdun
  13. Le garde-voies rêve… ( 2’ 42’’)
    Pierre Mac Orlan / Bernard Ascal
    Extrait de Poésies documentaires complètes
  14. Les rats et les hommes (5’ 49’’)
    Pierre Mac Orlan – Extrait de Poissons morts
  15. Les rats et les chiens (3’ 53’’)
    Pierre Mac Orlan – Extrait de Poissons morts
  16. Légers godillots (1’ 03)
    Bernard Ascal
  17. Les pigeons (2’ 19’)
    Pierre Mac Orlan – Extrait de Verdun
  18. Les popottes (3’ 10’’)
    Pierre Mac Orlan – Extrait de Dans les tranchées
  19. L’affaissement général (0’ 52’’)
    Pierre Mac Orlan – Extrait de Poissons morts
  20. Le vent qui se morfond… (3’ 02’’)
    Pierre Mac Orlan / Bernard Ascal - Extrait de Mémoires en chansons
  21. Prescience du soldat (3’ 43’’)
    Pierre Mac Orlan – Extrait de Dans les tranchées
  22. Bleu Samothrace (1’ 34’’)
    Bernard Ascal
  23. 1933 - Le cabaret au chèvrefeuille (300 – 305) (9’ 20’’)
    Pierre Mac Orlan – Extrait de Verdun
  24. Loin l’horizon (1’ 14)
    (Bernard Ascal)
  25. 1933 – Verdun (2’ 02’’)
    Pierre Mac Orlan – Extrait de Verdun
  26. Bleu horizon (1’ 21’’)
    Bernard Ascal

L’équipe musicale est constituée de :

Bernard ASCAL : Direction artistique
diction : 2 – 4 – 5 – 7 – 9 – 11 – 12 – 14 – 15 – 17 – 18 – 19 – 21 – 23 – 25
chant : 6 – 13 – 20

Yves MOREL : Direction musicale
arrangements : 6 – 13 – 20
trombone : 6 – 16 - 22 )
accordina : 3 – 10 – 13 – 20 - 26

Jean-Baptiste GAUDRAY : Guitare
1 – 6 – 8 – 10 – 13 – 16 – 20 – 22 – 24 - 26

Delphine FRANCK : Violoncelle
3 – 6 – 8 – 13 – 20 - 24

Le point de vue de Pol De Groeve

NOS ENCHANTEURS
Le quotidien de la chanson
11 novembre 2018.

Pierre Mac Orlan en direct des tranchées

« Moi mon colon, celle que j’préfère / C’est la guerre de 14-18 » nous chantait malicieusement le maître de Sète. Alors que nous célébrons le centenaire du terme de cette immense boucherie, parmi les innombrables ouvrages sortis des presses ou squattant les petits écrans, retenons de notre côté un CD touchant par sa modestie.
Maître d’œuvre : Bernard Ascal. Artiste prolifique qui n’a de cesse  – à côté de ses propres ouvrages – de jouer au passeur de mémoire. Dans Nos Enchanteurs, il fut question il y a quelques mois de son Aimé Césaire – 10 ans déjà, consacré au poète de la négritude. C’est à présent par le biais d’un autre écrivain qu’il tente, à sa manière, de nous faire revivre la réalité de la Grande Guerre.

A l’honneur : Pierre Mac Orlan. Ecrivain à (re)découvrir, il reste essentiellement dans la mémoire des cinéphiles pour être le père du roman Le Quai des brumes, dont le classique de Marcel Carné est l’adaptation. Il est par ailleurs également l’auteur de chansons interprétées jadis par Germaine Montéro, Juliette Gréco Catherine Sauvage ou Monique Morelli. Cet aspect de son art a déjà été abordé par le même Bernard Ascal, qui lui a consacré un CD en 2017, Pâtisseries Mécaniques.

Ici, c’est du romancier-journaliste qu’il sera question. Pierre Mac Orlan fut en effet des nombreux poilus à combattre sur le front. Mobilisé en août 2014, grièvement blessé en septembre 2016 et démobilisé en décembre 2017, l’homme a connu les champs de bataille de la Lorraine, de l’Artois, de Verdun et de la Somme. Il en a tiré matière à plusieurs livres, constitués de notes prises sur le vif ou de réflexions postérieures : Poissons morts (1917), Verdun (1934) et Dans les tranchées (1939).

Le CD de Bernard Ascal s’intitule Ecrits de guerre et comporte 26 plages. Huit courts instrumentaux, trois textes mis en musique dans une forme libre et, formant donc l’essentiel du disque, quinze extraits des trois livres précités, lus par le chanteur-comédien. Faut-il préciser que c’est cette partie-là qui retient notre attention. Des textes lus avec talent et une diction parfaite, sans effets grandiloquents ou fond musical qui viendraient en parasiter l’audition. Des textes qui demandent certes une attention soutenue, que l’on ne saurait apprécier d’une oreille distraite, mais mis en valeur par la voix chaude de l’artiste. Un disque par conséquent à mi-chemin entre le livre-audio et le recueil de chansons.

Mais quels écrits ! Point n’est question ici de prose revancharde ou de considération politique. La voix de Mac Orlan est celle de ces milliers de poilus, transbahutés de leur quotidien vers un univers de désolation, plongés dans un océan d’incompréhension où ne surnagent que des poissons morts. Une seule idée dans la tête de ces hommes de peu : survivre ! Et survivre, ce n’est pas seulement échapper aux balles ennemies lors des attaques, c’est aussi – surtout ? – s’acclimater des conditions précaires dans lesquelles ils se trouvent : la boue qui envahit tout, les rats omniprésents, le danger toujours diffus… Au-delà du témoignage de première main, les écrits de Mac Orlan enchantent l’oreille contemporaine par la distanciation humoristique qu’il y glisse (voir le cocasse discours d’un papa rat à son fils, lui distillant de sages conseils : être copains avec les hommes, se méfier des chiens…), l’empathie pour ces frères malheureux de combat que furent les animaux réquisitionnés (chiens, chevaux, pigeons…), l’humanité de ces soldats à mille lieues de l’image glorieuse er patriotique que le pouvoir d’alors voulait propager…

Bernard Ascal a très justement choisi les extraits en écartant ce qui, un siècle plus tard, semblerait anecdotique ou incompréhensible. Tout ce qui est relaté dans son disque pourrait être transposé dans un autre conflit. La chair à canon a partout le même goût. Triste constat : ces écrits centenaires trouvent encore et toujours des échos dans notre actualité. Et pourtant, ne disait-on pas, entre espoirs et illusions, que 14-18 devait être la der de der ? Du fond de son sac à malices / Mars va sans doute, à l’occasion / En sortir une, un vrai délice / Qui me fera grosse impression / En attendant je persévère / A dire que ma guerre favorite / Celle, mon colon, que j’voudrais faire / C’est la guerre de 14-18

Le point de vue de Yves Le Pape

FranoFans n° 74
Décembre 2018 - Janvier 2019

Le point de vue de Alain Kewes

DÉCHARGE n° 182
Juin 2019

Bernard Ascal, Pierre Mac Orlan, écrits de guerre

Après les poèmes surréalistes de Pâtisserie mécanique (cf Décharge 179), Bernard Ascal a enregistré du même auteur les écrits de guerre (de 14-18, bien sûr). Du même auteur, il faut le dire vite, car la veine est ici très différente. Ces textes, qui paraissent extraits de carnets ou de souvenirs rédigés après coup, évitent tout à la fois le pathos et le voyeurisme, ils se tiennent à l'exacte distance du témoignage et c'est bouleversant. Bernard Ascal a un phrasé lent, qu'on peut imaginer lesté d'un barda de 10 kilos, et un timbre légèrement éraillé, voilé, où l'on entend la pluie incessante, la boue dans laquelle on piétine pendant des heures, des jours, des semaines. Seuls trois textes sont chantés, et encore, fredonnés plutôt, les autres sont dits, séparés les uns des autres par de courtes compositions de jazz. Alors bien sûr, on en a entendu, depuis quatre ans, des témoignages, des lettres de poilus, des journaux de tranchées, mais Pierre Mac Orlan parvient à nous surprendre par son regard de poète qu'il dirige vers des détails méconnus, les animaux, chevaux, mulets, pigeons, chiens et même chats qui partageaient le sort des soldats, ces autres pour qui la guerre fut période faste, rats, corbeaux, corneilles. Et encore ces poissons morts que charriait la Moselle au grand étonnement de ceux qui ne comprenaient pas ce qu'ils voyaient. Les deux derniers textes m'ont particulièrement ému : datés de 1933, ils disent ces pèlerinages annuels que faisaient les anciens de Verdun sur les lieux du désastre, ne reconnaissant déjà plus les lieux, incapables de partager leurs souvenirs avec leur famille (femme, enfants qui s'ennuient ou se cassent les talons aiguilles dans les chemins) et venant là, camper pour quelques jours, seuls, dans le grand silence des compagnons morts. Et l'on songe que 1933 c'est déjà le début de la suivante.

Si vous souhaitez vous procurer le CD
EPM, litterature poesie et texte, réf : 987011

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